mercredi 26 novembre 2014

Portrait "flatteur"

 On le voit de loin, la démarche hautaine, l'air Arrogant. Il arpente les rues de la capitale dans un costume voyant, sifflant les femmes sur son passage : le Libertin-né. Avec ça, Bavard jusqu'à en être Ennuyeux.
Il n'oublie aucun affront, aucune remarque Il est Rancunier en diable. Il règne en maître sur toute sa famille, critique sans cesse son épouse, hurle après ses enfants. 
Il est Tyrannique ALBERT.


Jean-Louis Revel
15 novembre 2014

Le pêcheur "pécheur"

Entre deux rives d'aulnes, la rivière s'étire paresseusement. Mis à part le bruit strident du chant des cigales, on entend le clapotis du courant où ondulent dans une eau limpide, barbeaux, cabots et goujons.
Sortant d'un bouquet de vergnes, un homme s'approche doucement de la berge ; torse nu, visage et avant-bras tannés par le soleil des vignes, pantalon retroussé jusqu'aux genoux, un épervier sur l'épaule. Sans faire de bruit, il saisit de sa main gauche un bout du filet, met le côté opposé dans sa bouche avec un plomb entre les dents, puis d'un geste ample jette l'engin qui se déploie en corolle au milieu du courant. Le piège retombe dans l'eau avec un "plouf" sonore, enfermant les poissons malchanceux dans cette nasse.
Le pêcheur, très rapidement, amène l'épervier sur la berge. Les poissons prisonniers se débattent dans les mailles.
Louis, sourire aux lèvres, mais guettant un éventuel trouble-fête, met adroitement le produit de sa pêche dans la galigouste.

Jean-Louis Revel
8 novembre 2014 

Notes de l'auteur 
épervier : filet conique, garni de plombs, avec des poches, de quatre à cinq mètres de diamètre et trois à quatre mètres de hauteur, la partie pointue étant munie d'une corde servant à le retenir quand on le lance.
galigouste : panier en osier pour conserver le produit de la pêche.

samedi 15 novembre 2014

Portrait au prénom

« On dit que l’on porte un prénom ; on pourrait dire pareillement que notre prénom nous porte. » Cette affirmation en clin d’œil laisse entendre que par leur graphie, par leur sonorité, par ce qu’elles sous-entendent, les lettres qui composent notre prénom pourraient nous dire, dresser notre portrait. Aujourd’hui, 15 novembre 2014, on fête les Albert : ça tombe bien, nous nous prénommons tous Albert !

Jacques-François Piquet

Quelqu’un, quelque part…

Il s’agit de décrire un lieu en quelques lignes, de le donner à voir tel qu’il se présente au premier regard (les autres sens ne sont pas exclus). Nous ne sommes donc pas dans une description exhaustive à la Balzac, mais plutôt dans l’idée d’un instantané photographique. Dans ce décor, planter ensuite un personnage en train de faire quelque chose. L’image ainsi proposée est-elle convenue ou au contraire induit-elle un effet de surprise, voire de complet décalage ?

Jacques-François Piquet

Voir les textes ici.

[Sans titre]



Un voile tout en nuances de gris enveloppait le jardin public désert en ce mois de novembre. Le vent de la veille avait éparpillé, ça et là, pieds en l'air, les fauteuils en osier si jalousement surveillés par la chaisière les jours plus cléments.

Vêtue d'un manteau d'épais drap rouge, une petite fille sautillait sur l'allée de gravier. Joues rosies par le froid, natte dorée dépassant de son bonnet de laine tricoté main, regard pétillant de l'enfance insouciante, elle ressemblait à une petite matriochka.

S'approchant du bassin, elle sortit un à un de sa poche de petits papiers multicolores qu'elle s'appliqua à déplier avant de les poser délicatement à la surface sombre de l'eau. Comme par magie, tel un départ de régate bretonne, une nuée de petits bateaux réveilla le jardin endormi.

"Naïa, c'est magnifique!" complimenta affectueusement un homme élégant, arrivé sans bruit auprès d'elle. Son père, probablement.

Michèle Marquet
15 novembre 2014

Albert



Jeanne écoute sa grand mère :
- Mon grand-père ? Il s'appelait Albert.
- C'est moche !
- Comment ça s'est moche ! Aucun prénom n'est moche.
En tout cas, ce que je peux te dire c'est que son prénom,  c'était tout lui.
D'abord le A toujours le premier, toujours en avant.... mais çà c'était avant.
Avant qu'il ne perde ses L dans cette B B B Boucherie comme il disait - oui il s'était mis à bégayer à son retour de la guerre - E E E à hésiter. Toujours à l' arrièRe toujours derrièRe . Heureusement qu'à la fin, il y avait ce T bien planté qui empêchait tout ça de s'écrouler.


Bernadette Botalla
15 novembre 2014

Jeanne (2)

Tapisserie fleurie
Dessus de lit et tapis roses.
Princesses et paillettes un peu partout.
Dans sa chambre, Jeanne attrape sa poupée Barbie.
" Aujourd'hui Barbie a rendez-vous avec  Kent. Elle doit se faire belle !"
D'un grand coffre, Jeanne sort des robes, des petites chaussures, des morceaux de tissus ... Et commence alors une séance d'essayage qui dure ... qui dure ...
Barbie enfin prête, Jeanne part à la recherche de Kent.


Bernadette Botalla
15 novembre 2014

Jeanne (1)

Jeanne était seule. Elle n’osait pas.
Quand elle avait croisé Baptiste, le nouvel intérimaire au bureau, elle était… comment dire… « tombée en amour ».
Depuis, elle qui ne sortait jamais, acceptait toutes les invitations où elle savait le trouver.
Mais elle avait beau tout faire pour se trouver sur son chemin,  jamais il ne lui adressa la parole.
Invisible, elle était invisible.
Sa mission terminée, il partit comme il était venu.
Jeanne était seule, elle n’osait pas.


Bernadette Botalla
8 novembre 2014

Le prisonnier

Il est, de prime abord, toujours en alerte, un rien paranoïaque, s'alimentant de frustrations et de rancœurs qui lui remplissent la panse. Pas sournois, non, au contraire. Bien campé sur ses deux jambes écartées, tel un A capital, il éructe à tout bout de champ, joues gonflées au-dessus de son ventre mou, B majuscule, rebondi et gras.
Et elle, qui le suit partout ! C'est qu'il se méfie d'elle, cette feignasse berbère, qui lui pourrit la vie, qui lui barre le chemin. Il ne finira pas sa vie avec elle, non.
Lui, ce dont il rêve, c'est d'une autre femme, d'une jeune fille en fleurs. Une Albertine, tiens donc !


Françoise Roques
15 novembre 2014

La lecture

Le paquet est posé au centre de la grande table de marbre Empire, soutenue par des griffes d'aigles impériaux, au milieu de l'appartement cossu de la rue de l'Odéon, juste au-dessus de la librairie.
L'homme est assis au centre de l'assemblée, nonchalamment adossé à la chaise raide, jambes croisées, un bras rejeté au sommet de la chaise. Il est de frêle constitution. Il porte une petite barbe pain d'épice. Les traits de son visage sont fins mais ses joues sont cramoisies, marquées par son amour immodéré du vin comme de toutes les bonnes choses à boire et à manger. Ses yeux sont plissés derrière des lunettes aux épaisses lentilles.
Il tire le paquet vers lui, défait les nœuds de ménagère, déroule délicatement les langes de papier brun et saisit avec douceur la liasse de feuillets.
Jim s'éclaircit la voix et commence sa lecture : "Majestueux et dodu, Buck Mulligan parut en haut des marches..."


Françoise Roques
15 novembre 2014

Ah Albert !

Ah Albert !!! Quel homme cet Albert !!
Amoureux transi pour sa belle Anne-Marie.
Anne Marie ….
C’est elle, ce « L » dans son prénom qui lui apprit la Liberté.
 Et quand le  «L » se lie  au  «B », par  simple baiser, c’est le « E » qui s’annonce  en son sein bien gardé.
L’ « R » de rien il trépigne et  minaude, et arrive en pleurant, maintenant c’est le R qu’interpelle le « T » pour donner le  prénom, Il se nomme Tristan, c’est un petit garçon…

Helena Taleb
15 novembre 2014

ALBERT


Apolitique, mais souvent anarchiste, il est aussi anti-tout....

Loin devant, libre, sans être libertaire, il prend sa vie au sérieux

Baroudeur de l'hexagone, il balade son auditoire, braillant sans raison

Extravagant, épicurien de mauvais goût, éructant sans gêne, épuisant son monde

Râleur du matin pluvieux, retardé par l'heure qui tourne, revanchard de son infortune

Tout le torture, tout le traumatise. Tout ça nous le tuera.


Josette Montpellier
15 novembre 2014