mercredi 10 décembre 2014

Bach Van

Je fais ta connaissance dans les années 70. Tu as une vingtaine d'années, tu termines tes études au lycée français de Saigon. Nos rencontres sont épistolaires. Tu écris, tu envoies des photos de la famille. Les parents, chacun dans un médaillon, la fratrie, et toi «troisième sœur». Sur ce montage format carte postale, tous les enfants ont été photographiés à l'âge d'environ 8 ans, et  fixe à jamais cette famille éparpillée sur deux continents.

Toi ... tu ne partiras pas. Tu ne résistes pas à l'envahisseur, tu t'adaptes, tu pactises. Pro-américaine, tu travailles avec eux,  tu comptes sur leur victoire. Tu t'éloignes des traditions, revêts le tailleur des hôtesses, deviens mère. Tu t'occupes des parents, passes souvent par la pagode et le dimanche assistes à la messe à la cathédrale...
Vaincus... ils sont partis. Tu ne te décourages pas, te débrouilles, ne renies pas tes convictions, changes de métier, déménages dans un autre quartier, élèves ton fils en lui faisant l'éloge de la culture indochinoise, sous l'éclairage des  civilisations occidentales galopantes et mêles anglais et français à vos conversations....
En mars 2000, nous sommes à Ho-Chi-Minh... A l'hôtel, une demi-heure après notre arrivée, le téléphone sonne dans notre chambre « une personne vous demande à la réception»...

En traversant le hall  de cet hôtel pour touristes, où les locaux ne sont pas les bienvenus, je te découvre, tu es debout près de la porte d'entrée.

Elle, c'est Bach Van,  «Troisième Sœur», Marie, Ma belle-sœur,

Élégante, vêtue de bleu, les cheveux noirs serrés dans un chignon bas, tu nous attends. Nos regards se croisent, se rencontrent, enfin, et nous nous embrassons simplement, sans effusion, tout restera dans nos yeux et nos cœurs... Nous nous installons pour déguster un cocktail «tricolore» aux perles de coco, et nous bavardons enfin. Tu nous expliques la vie de tous les jours. Nous évoquons les moments importants de nos familles vécus les uns sans les autres....
Tu veux nous faire connaître les lieux marquants de la ville. Nous prenons le taxi, remontons la Rue Catinât, la Cathédrale Notre-Dame, la Poste, le Rex, les rives de la rivière Saigon... et nous voilà assis sur de petits tabourets sur le trottoir d'un petit resto de rue, qui sert la soupe «Pho»avec boulettes, pâtes fraîches, coriandre, et fines herbes à volonté....Nous savourons cette première soirée en famille....

Durant ces trente années, nous avons  correspondu pour évoquer nos vies respectives, nos peines et nos joies, «Bonne Année, Joyeux Anniversaire»... de temps en temps pour consolider le fil conducteur  de cette famille, quelques photos, avec au dos une date,  un lieu, des noms. Elles  viennent rejoindre la photo aux médaillons, véritable arbre généalogique qui se transmet de génération en génération....

Nous continuons d'échanger mails et petits clichés électroniques. Nous avons perdu l'habitude des courriers... ceux qui  mettaient quelques semaines à parvenir au destinataire, mais se rangeaient si bien dans la boîte à souvenirs du Vietnam....
On se reperd sur trois continents, une génération en plus, une autre en moins!!…

Josette Montpellier
6 décembre 2014

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