vendredi 12 décembre 2014

Comme un I

La maison est encore endormie. Assise devant mon bol de thé et deux tartines, le courage me manque  et la télévision qui ronronne, me donne une bonne raison de rester plantée là, à ne rien faire. D’ailleurs tous les dimanches matins, c’est le même rituel. En fait, j’aime bien cette émission. Certes j’ai l’impression que c’est toujours un peu la même chose mais elle me réveille en douceur. Aujourd’hui elle traite de la zoothérapie, qui peut faire des merveilles et propose quelques portraits de spécialistes. Tous des passionnés, racontant leur métier, avec des étoiles dans les yeux. Soudain un visage  attire mon attention.  Une jeune femme …  Isabelle. Elle me dit quelque chose. Son sourire, sa voix, cette façon de se tenir droite comme un I. Sans attendre, je me précipite sur le Web, bien décidée à valider mon impression. La direction de 30 millions d’amis a sûrement annoncé leur émission et le nom des participants, sur leur site. Bingo … c’est elle … Isabelle, Isabelle Charay.  Lycée de Sarcelles. Pour être sûre de moi, une petite escapade sur un autre fil de la grande toile, et me voilà sur le site "Copainsdavant.com". Quelques clics et une magnifique photo de classe apparait, tous vêtus de costumes des  années 80, avec  des coupes de cheveux bien de l’époque. Chouette Flashback ! Isabelle  est là, debout en haut à gauche, droite comme un I. Pas de doute, c’est elle et elle n’a pas beaucoup changé, juste des cheveux plus courts.
Des souvenirs alors me reviennent, des anecdotes, des phrases, des rires.  Je me souviens d’elle comme une belle personne. Toujours à vouloir sauver la veuve et l’orphelin. A organiser des kermesses pour toutes sortes de causes, à nourrir et brosser  un pauvre âne mal traité à deux villages d’ici ou sauver un hérisson bourré de tiques voué à la mort certaine. Pour la charrier un peu, avec les copains,  on l’appelait BB Teresa, un joli mixte entre la blonde sulfureuse de « Dieu créa la femme » et la petite sœur des chiffonniers.  Je ne sais pas trop comment elle le prenait mais cela lui allait bien.
Je me souviens d’elle aussi comme quelqu’un de passionné, détestant l’injustice et la souffrance des autres, Hommes ou Animaux. Parfois trop impulsive et peu tolérante, devant les copains qui préféraient les séances de cinéma, aux collectes de provisions devant les caisses d’une grande surface tout un samedi après-midi durant ou les flirts sous les porches, à la promenade sous la pluie d’un chien de refuge. Elle semblait plus mature que nous tous. Elle ne finirait d’ailleurs pas l’année avec nous, trop impatiente de faire ce qu’elle aimait, d’être utile, de vivre sa vie, sa passion …. Le bien être des autres, à deux ou quatre pattes.
Je décide de revoir l’émission en replay, calée dans mon divan et c’est bien elle. Alors la voilà zoothérapeuthe. A adoucir l’angoisse de l’enfant autiste,  avec son cheval Confetti, dessinant des voltes et des serpentines lentement, en faisant attention à son cavalier fragile.  A calmer la rage et la violence de l’ado pyromane, avec son Golden Retriever Vidock, ce chien si réceptif au mal être et pouvant partager une après-midi entière, avec  le gamin, à jouer au frisbee ou simplement se faire cajoler. A rééduquer les doigts souffrant d’arthrose de cette retraitée, grâce à Bidule, son chat au pelage si soyeux et au ronron rassurant …. Tout cela bien sûr sous l’œil bienveillant et l’oreille toujours à l’écoute d’Isabelle. Je la reconnais bien là et soudain, même si je n’y suis pour rien, je suis fière d’elle. De sa détermination, sa persévérance, son courage et de sa générosité. Son chemin a bien été celui qu’elle voulait suivre, droit comme un I. Encore ce I …  I comme Isabelle, I comme « Y croire » à une orthographe près.
Tout cela m’a un peu remuée car finalement ma route, à moi, n’a jamais eu la fière allure d’un I mais plutôt celle du cul de sac d’un T,  … et merde … mon thé est froid.


Corinne McDowell
6 décembre 2014

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