vendredi 23 janvier 2015

ALBERT

A  Il est l’aîné de la fratrie, le plus actif aussi.
     Ses parents lui ont choisi comme initiale la première lettre de l’alphabet, se préparant à donner la vie de nombreuses fois après lui…

L  Sa silhouette est élancée, longiligne, élégante.

B  Bon comme le bon pain, chaleureux, tendre, bonhomme pourrait-on dire.

E  Pour saluer les gens qu’il connaît, il tend les bras vers eux, sans un mot,.
     L’empathie visible dans ses yeux.

R  L’air décidé et réfléchi en même temps, il marche à grands pas lents.

T Taiseux, jamais taciturne, il sait écouter, toujours…

Roberte Revel
15 novembre 2015

Too much ! Too much !


  Il y a peu de temps, je rendais visite à une vieille amie en maison de retraite. Tous les résidents, plus ou moins atteints de la maladie d’Alzheimer comme il est si fréquent maintenant que l’on maintient à domicile, autant que possible, les personnes âgées avec toutes les aides requises…Beaucoup de femmes, on sait bien qu’elles vivent plus longtemps que les hommes…

  Je longeais les couloirs pour atteindre la chambre de Thérèse. Chaque chambre est annoncée    par une petite plaque de faïence portant un numéro, un nom et une photographie.

  Mon regard fut attiré soudain par un portrait placardé à côté d’un numéro car c’était le portrait d’un homme. Les traits de ce vieillard ne me rappelaient rien, bien sûr. Mais le nom, lui, était bien gravé dans ma mémoire : Roland Rival.

  Un homonyme donc, probablement…Dans mon souvenir – de plus ravivé de fraîche date – Roland Rival était mon professeur d’anglais de la seconde à la terminale. Un professeur adulé…Je le trouvais beau – ma meilleure copine en était amoureuse (ou éprise, je ne sais plus !) – intelligent, brillant même.

  Un jour, il remplaçait un collègue de français absent, il nous a lu du Camus, il lui ressemblait, cela m’avait donné l’envie de lire cet auteur que je connaissais peu…Ce qui rendait le personnage encore plus admirable, c’est qu’il était de surcroît traducteur d’œuvres littéraires et scénariste de films, de films célèbres même, et de dramatiques ou téléfilms comme on les appelait à l’époque. Presque un héros pour la gamine que j’étais.

  Une année, il avait pris l’habitude, après chaque interrogation orale d’un élève, de s’adresser à moi : «  How much Miss Lagarde ? ». Et j’énonçais une note – toujours soucieuse d’être à la fois juste et indulgente pour mon ou ma camarade – note qu’il descendait systématiquement d’un demi-point en s’exclamant : « Too much ! Too much ! »

  Je parle d’un souvenir ravivé car, dans les mêmes jours, cherchant des photos de ma fille, de sa naissance à l’âge adulte, à l’occasion de son prochain anniversaire, je tombai, à la faveur d’un désordre incroyable, inexplicable même, sur un petit cliché en noir et blanc, un peu flou, qui représentait un professeur assis à son bureau (surélevé !) et à côté de lui, une élève debout, penchée (moi !) devant quelques longues tables alignées. Au dos de la photo, un petit mot signé Elisabeth (elle, je l’ai oubliée) qui s’excusait de la médiocrité du cliché mais se faisait un plaisir de me l’offrir, ne doutant pas du mien en le recevant…

  Comme souvent dans ces lieux consacrés à la vieillesse et à la dépendance, les portes sont entrouvertes. Réticente et curieuse en même temps, je jetai un coup d’œil mais n’entrai pas.

  Roland Rival était affalé dans son fauteuil, le menton sur la poitrine, des cheveux blancs un peu longs cachaient son visage. Somnolent ou inconscient, il s’affaissait sur l’accoudoir, un filet de salive coulait sur sa manche…Curieuse, donc, je me renseignai auprès de la direction. Oui, leur pensionnaire était bien l’homme que j’avais connu à trente ou quarante ans, fringant, séduisant, auréolé de sa petite gloire dans le monde du spectacle mais si proche de ses élèves dans leur petit lycée d’Ile-de-France.

  Too much for me…

Roberte Revel
6 décembre 2014

mardi 6 janvier 2015

La photo

- Bonjour je ne te dérange pas ? Je viens de passer le week-end à Amiens, figure-toi que la mère de mon amie était en classe avec toi au lycée, elle se souvient très bien de toi.

Non cela ne me disait rien, elle aurait dit Michèle, Nicole ou Marie France mais Colette non vraiment.
Ce lycée d'Amiens était un petit lycée de province avec une grande cour ombragée ; j'y allais avec plaisir.
Dans le tiroir de la commode de ma chambre je retrouve la photo des 3e B, au dos sont écrits les noms des élèves dans une écriture ronde et enfantine ; en effet il y a une Colette Tassel. Une jolie fille très brune au regard noir, un ou deux ans de plus que moi, si différente de la gamine nunuche du premier rang, cheveux en pétard et socquettes blanches ; seule la blouse beige nous réunissait.

Colette à treize ans était déjà amoureuse ; un jeune homme l'attendait à la sortie du lycée.  Moi c'était ma mère qui m'attendait : elle veillait par-dessus tout à mon intégrité corporelle et à ma virginité.
Ce jeune homme je le connaissais bien ; ses parents possédaient le jardin contigu à celui de mes parents dans les hortillonnages, je l'avais souvent observé sans oser lui adresser la parole, même les accostages difficiles en sa présence n'avaient pu mettre fin à ma réserve.
J'avais quitté Amiens l'année suivante. Ma nièce revenait sur les lieux de mon adolescence ; elle avait le projet d'écrire un roman dont le héros habitait Amiens et tombait amoureux d'une picarde entrevue dans les hortillonnages .
Elle avait rencontré la fille de Colette, la fille du jeune homme qui occupait mes pensées à treize ans.
Que retrouverais-je de mon histoire dans ce roman ?
Quels détails étonnants Colette lui aura révélés, moi qui trouvait ma vie si terne à cette époque là ?

Marie-Paule Mauduit
22 novembre 2014

Le portrait au prénom : ALBERT


AH,AH,ce garçon loyal bénévole aux alcooliques anonymes,étriqué et radin, il est vraiment tartignole cet Albert.
Accusé, larmoyant, bégayant, encouragé par le président du tribunal, rapidement et tremblant il annonça qu'il avait mordu le chien.
Marie-Paule Mauduit
22 novembre 2014



Quelqu'un quelque part….

Au bout du chemin odorant jalonné de bouses de vache apparait la petite maison blanche.
La grille du jardin chante, les groseilliers plient sous le poids des fruits,les phlox en fleurs se balancent.
Derrière la port-fenêtre miniature Julia assise dans la cuisine m'attend.

Marie-Paule Mauduit
8 novembre 2014